Portrait

 

Voici les portraits des principales personnes que nous avons rencontrés dans les divers éco-lieux :

 

1. Janneke Tops, présidente de l'association Ecolonie

 

Grande, blonde, souriante, parlant un français impeccable, elle nous raconte qu'elle a suivi un cursus d'agronomie orienté vers l'agriculture biologique. Après plusieurs stages dans des fermes bio et un premier emploi chez un grossiste biologique, « Je n'avais pas envie de dépolluer la nature, comme on m'avait appris, bien que ce soit utile et important de le faire. Je voulais plutôt de créer quelque chose de positif, un projet qui ne polluerait pas », nous explique-t-elle.Un projet qui permettrait également de vivre en groupe et en accord avec la nature, quel défi !


Elle s'est donc installée à ECOlonie il y a 10 ans avec son mari Richard et est devenue présidente de l'association. Depuis ils ont eu 2 enfants qu'elle amène à l'école du village voisin en vélo chaque matin.Quand Richard nous l'a présentée, c'était avec un regard pétillant et plein d'admiration. Il est aussi discret qu'elle est énergique et ces deux là semblent former une alliance bien efficace.
Elle est responsable du jardin, de l'organisation et de la répartition des tâches sur le site. Pour les repas de midi, Richard et elle se joignent à la communauté, mais le soir c'est en famille qu'ils dînent, afin de profiter de leurs enfants. Leur appartement est situé dans un des bâtiments à l'entrée du site et donne sur le jardin : « C'était très pratique d'habiter à coté quand les enfants était petits, parfois on les faisait garder mais dans tous les cas on était jamais loin » nous explique-t-elle. Vivre ici c'est une philosophie, c'est revenir à l'essentiel, à la nature et aussi à la nature humaine, cela nécessite de se remettre en question : « Dans la vie courante lorsqu'on a un problème au travail par exemple, on peut l'occulter pendant longtemps, on rentre chez soi et on pense à autre chose. Ici tout est lié. On habite et on travaille avec des gens, alors les rapports sont plus directs, il faut savoir régler les problèmes au fur et à mesure et bien se connaître pour comprendre d'où viennent les tensions quand elles apparaissent ».


Un style de vie qui ne pourrait peut être pas convenir à tout le monde mais qui lui apporte beaucoup de bien être. Pour Janneke, vivre et faire vivre un lieu comme ECOlonie c'est des difficultés parfois, mais c’est avant tout beaucoup de bonheur et tout ça, sans impact négatif sur l’environnement. C'est finalement le respecter et respecter notre nature profonde.

 

 

2. Portraits : Jean-Luc et Anne Delmotte (Les Gilats)

 

Au premier abord, Jean-Luc Delmotte impressionne par sa taille et sa carrure : cheveux mi longs, traits marqués par le soleil et le travail, voix claire et grave, il offre un contraste amusant avec sa femme, Anne, petite blonde à la voix douce et chaleureuse. Très vite, nous découvrons un couple délicieux et rayonnant, plein de bonnes ondes.


Dix ans auparavant, le couple vivait « comme tout le monde », il était négociant en vin entre la France et l'Espagne, et ils résidaient en région parisienne. Après des années à ce régime ils en ont eu assez et ont décidé de réaliser leur rêve : retaper une ferme en auto-construction et y faire de l'accueil touristique et des chantiers d'insertion, tout cela dans le respect de la nature et de l'environnement. Jean-Luc décide donc de prendre une retraite anticipée pour réaliser ce projet.
À l'époque ils cherchent un lieu en France, pas trop loin de Paris car férus de culture, ils désirent pouvoir y retourner facilement. Après de nombreuses recherches infructueuses, ils tombent sur ce château et c'est LA révélation. A l'abandon depuis 50 ans, il y a beaucoup de travail mais leur projet verra le jour ici !
Il faut une bonne dose d'optimisme pour se lancer dans une telle aventure, et Jean-Luc et Anne admettent eux même « qu'ils n'ont pas vu le danger car ils avaient beaucoup d'énergie à revendre » et heureusement ! … Car le danger c'était l'ampleur des travaux. Finalement il leur aura fallu 8 ans avant de pouvoir accueillir leurs premiers visiteurs, mais quel accueil !


La rigueur et la détermination de Jean-Luc et Anne ne sont pas pour rien dans la réussite de cette entreprise : pragmatiques, les pieds sur terre, ils n'ont rien des habituels citadins stressés qui quittent Paris pour y revenir aussi vite, lassés de l'air de la campagne. Et lorsque l'on arrive aux Gilats, on ressent très bien le subtil mélange entre douceur de vivre et travail qui habite ce lieu.

 

 

3. Portrait: Sylvain ou la philosophie de l'instant (Fondale)

 

Il a réussi à concilier l’impossible : vivre en ermite au cœur des montagnes corses tout en gardant un lien avec le monde. Né en Nord-Pas-de-Calais, Sylvain Dworczak a effectué ses études à Amiens puis a enseigné la philosophie… avant de tout plaquer pour élever des brebis corses dans l’Aveyron. « On m’a traité de fou mais j’ai simplement suivi mes convictions », raconte-t-il. Aujourd’hui, Sylvain , cheveux hirsutes et grisonnants, est ce qu’on pourrait appeler un « ermite mondain », qui a adopté volontairement une vie spartiate tout en continuant de suivre de près l’actualité culturelle et intellectuelle.

 

Et même si ses repas sont frugaux et ses journées consacrées à l’entretien de son verger, Sylvain ne rate pas une occasion de nourrir son esprit, grâce à des festivals ou des concerts. Il participe aussi activement à la vie de son village et quand il se rend à Tallone, il ne peut s’empêcher de bavarder avec tout le monde. Apolitique libertaire, celui qui « apprécie les babas mais n'aime pas les bobos » cite Marx et son Praxis, Morin et sa théorie de l'ensemble, relaie les propos de Nietzsche ou de Bergen. Son ultime crédo ? « Vivre l'instant présent car le futur reste toujours une projection ». Et cela fait 55 ans que ça dure !

 

 

4. Portrait : Jérémie (Cravirola)


Grand, brun, les cheveux longs attachés en catogan, Jérémie, engage la conversation autour d'un café, à l'ombre d'un arbre. Ancien professeur de sport, il a participé à la première expérience de Cravirola située à l'époque dans les Alpes du sud. Et quand l'opportunité de venir au maquis s'est présenté il n'a pas hésité. « Ici on a avant tout un engagement idéologique, on veut créer un mode de vie qui nous permet de vivre en autonomie, on applique des démarches écologiques (toilettes sèches pour le camping, douches solaires, jardinage bio) mais avant tout l'idée est de se passer au maximum du système de consommation. ». Engagé et militant, il concède tout de même que ce mode de vie, bien que très riche a de nombreux niveaux nécessite des remises en questions régulières pas toujours évidentes «  Nous sommes un groupe hétérogène, les envies de chacun sont parfois différentes et pas toujours compatibles ». Il semble donc parfois difficile de prendre une décision collective, ce qui peut parfois amener certaines tensions… Jérémie, participe au projet depuis sept ans déjà et finalement il n'en n'est pas revenu « Ici, nous tentons une expérimentation sociale : nous sommes toujours dans le mouvement, dans l’invention. » Presque une révolution ?

 

 

5. Portrait de Christian Coppo, l'humain au centre du quotidien comme quête de sens… (Habitat Différent)

 

« Quand j'avais 16 ans, je jouais dans un groupe de rock et nous répétions dans la salle commune d'Habitat Différent car l’un des membres habitait ici. C'est comme ça que j'ai connu cet endroit il y a 15 ans! Du coup quand nous avons su avec ma femme qu'une maison se libérait ici nous n'avons pas hésité. C'est aussi simple que ça ! » Christian a presque grandi ici, 20 ans qu'il connaît la démarche du quartier, et ça a suffi à le convaincre.


« Au début on voyait le slogan dans la salle commune "Vivre ensemble, chacun chez soi!" et ça nous faisait rire mais ça nous interrogeait aussi ! » Nous explique cet intermittent dans l'événementiel musical et le spectacle vivant dont la femme travaille auprès d'adolescents. Ils ont 2 enfants et habitent une maison en triplex dans le lotissement. « Quand j'ai vécu seul je me suis aperçu que je disais bonjour à ma voisine tous les jours mais que si elle devait mourir demain je ne connaissais pas son prénom. Est ce que ça a du sens ? Avec ma vison d'adulte je me suis rendu compte qu'ici, le quartier était un projet militant, qui avait du sens ». Et c'est effectivement face au manque de substance des rapports humains les plus communément observés dans les grandes villes que ce quartier semble un havre de paix. Une bonne combinaison entre solidarité et respect de chacun, entre entraide et partage des tâches. Deux fois par an un week-end jardin est organisé, sous la houlette de Denis, habitant et paysagiste, où chacun met la main à la pâte pendant deux jours entiers. « Sur les 17 familles, 2 sont chargées de faire à manger pour tout le monde, pendant que les autres travaillent. » Mais ici chacun a aussi sa vie de famille privée et on est vraiment à l'équilibre entre le chacun chez soi et le vivre ensemble, avec la convivialité en prime.
« Si on devait repartir d'ici on serait tristes mais je pense qu'on essaierait de recréer un espace de solidarité autour de nous. C'est ça l'habitat normal pour nous! » conclut Christian, « Ce que je retiens d'ici c'est la démarche militante, c'est je réfléchis à mon habitat et j'y trouve du sens. Et même si ce n'est pas parfait on cultive un mode de vie dans cet objectif , et rien que cette démarche vaut le coup. » Il n'y a pas grand chose à ajouter, le "vivre ensemble chacun chez soi", tiens bien ses promesses, et les nouveaux modes de vie tels que le co-housing ou l'explosion de la colocation récemment observés abondent dans ce sens. Alors qu'attendons-nous pour remettre l'humain au cœur du quotidien ?